Par Pierre Théroux | 22 avril 2023

La fibre environnementale, sociale et de gouvernance du fabricant de vêtements Attraction

Été 2022. Le manufacturier de vêtements Attraction sollicite alors la collaboration d’experts de l’Université de Sherbrooke pour analyser son empreinte carbone. «Pour s’améliorer, il fallait d’abord savoir d’où vennaient les émissions de gaz à effet de serre. Sinon, c’est difficile de se donner des objectifs tangibles et mesurables», fait valoir Sébastien Jacques, copropriétaire en compagnie de sa conjointe Julia Gagnon de cette entreprise familiale de Lac-Drolet, en Estrie.

La bonne nouvelle: l’analyse des processus d’opération révèle que 95 % des émissions de GES proviennent du seul procédé de séchage des impressions de vêtements en sérigraphie. Pour corriger la situation, il faut soit substituer les combustibles utilisés pour le fonctionnement des fours par des biocarburants, soit remplacer ces équipements par des fours fonctionnant à l’électricité.

Mais, pour l’instant, les biocarburants ne sont pas disponibles dans la région et les fours électriques n’ont pas encore le niveau d’efficacité nécessaire.

L’entreprise n’en est pas moins devenue carboneutre. En attente de solutions et pour pallier la situation, elle a compensé 100 % de ses émissions directes de GES pour 2022 en achetant des crédits compensatoires de carbone.

Certification B Corp

Entretemps, Attraction a également amorcé une démarche pour obtenir la certification B Corp. Cette reconnaissance est octroyée aux entreprises qui ont un impact non seulement au niveau environnemental, mais qui répondent aussi à des critères social et de gouvernance.

Cette certification «vient mettre un sceau d’approbation, une certitude qu’on ne fait dans le greenwashing et qu’on ne tourne pas les coins ronds. On s’assure ainsi de mettre en place des processus rigoureux qui perdurent dans le temps, et non seulement des initiatives ponctuelles», souligne Sébastien Jacques, qui assume le rôle de vice-président développement des affaires.

La démarche a du même coup amené l’entreprise à prioriser certaines actions, notamment cette volonté de réduire son empreinte carbone.

Son souci de l’environnement n’est pas récent. Dès son arrivée en 2009 au sein de l’entreprise fondée en 1980 par ses oncles, Julia Gagnon s’est affairée à créer la marque de vêtements Ethica fabriqués localement en utilisant exclusivement du coton 100 % organique et du polyester recyclé ou revalorisé.

Répondre aux exigences des clients

Le virage vert s’est même accéléré depuis 2017, année de l’acquisition de l’entreprise par ce couple en affaires. Attraction a fait d’importants investissements en capacité de production et en technologie pour mieux répondre aux besoins des clients qui sont de plus en plus exigeants en matière de facteurs ESG.
Au programme: l’amélioration de l’efficacité énergétique de ses bâtiments. Elle a aussi réduit sa consommation d’eau de 50 % grâce à un équipement qui lui permet également de recirculer les produits chimiques utilisés avant de les envoyer à la récupération de matières dangereuses.

Depuis 2019, elle a revalorisé près de 50 % des boîtes provenant de ses fournisseurs. Son encre noire est fabriquée à partir d’encres récupérées. Les retailles de tissus servent à fabriquer des coussins.

«On le fait à la hauteur de nos moyens. Ce n’est pas parfait, mais c’est une foule de petits gestes qui, en s’accumulant, finissent par avoir un impact important.»

— Sébastien Jacques

Le fabricant de vêtements destinés aux marchés promotionnel et récréotouristique partout au Canada n’entend pas s’arrêter là. D’ci 2026, l’entreprise prévoit notamment remplacer les fibres conventionnelles (coton, polyester) par leurs équivalents durables (fibres recyclées, biologiques) dans la fabrication de son autre marque de vêtements, Initial.

«La transition est amorcée. C’est de plus en plus facile de trouver des fibres biologiques ou recyclées», constate-t-il.

Travailler dans le respect

Attraction ne se limite pas à produire des vêtements dans le respect de l’environnement, mais aussi du travail alors que ses employés sont syndiqués.

«Ça fait simplement partie de nos valeurs», souligne M. Jacques. La croissance de l’entreprise se fait également dans la diversité et l’inclusion. Le nouvel atelier de Montréal, inauguré il y a un peu plus d’un an, compte plus de 50 employés issus d’une quinzaine de nationalités. L’entreprise accueille aussi des travailleurs étrangers dans ses ateliers de Lac-Drolet.

«Ça amène une nouvelle dynamique, une nouvelle culture, non seulement dans l’entreprise, mais aussi dans notre petite communauté», se réjouit Sébastien Jacques. Le couple a même acheté des résidences, à titre personnel, pour pouvoir loger ces employés.

De plus, pour assurer une meilleure gouvernance, elle mise depuis peu sur l’appui d’un comité consultatif composé de gens d’affaires. «On y voyait plein d’avantages. Ça vient compléter nos forces et nos compétences et, en plus, ça nous permet à Julia et moi d’avoir une vie à l’extérieur de l’entreprise. De ne pas juste parler de boulot en prenant un verre de vin le vendredi soir», conclut-il.

3 questions à Sébastien Jacques

1.Quel est le meilleur conseil que vous avez reçu ou que vous aimeriez avoir reçu ?

«Il y a plusieurs années, j’ai reçu le conseil de prendre de nombreuses décisions en étant bien entouré et d’accepter que certaines erreurs soient commises. L’important étant de prendre un plus grand nombre de bonnes décisions et de corriger rapidement les moins bonnes, car l’inaction peut être fatale.»

2. Avec le recul, qu’auriez-vous fait différemment ?

«Au début de la pandémie, nous avons investi énormément de temps et d’efforts à développer de nouveaux marchés et produits qui n’ont pas obtenu le succès espéré. Avec le recul, tous ces efforts auraient été mieux investis dans nos marchés traditionnels afin d’augmenter davantage la distance qui nous sépare de nos concurrents.»

3. Qu’est-ce qui vous motive, comme entrepreneur, comme dirigeant ?

«C’est l’opportunité quotidienne que nous avons de transformer l’environnement qui nous entoure et de créer un futur fidèle à notre vision. Certaines personnes choisissent d’être des artistes et d’autres, des entrepreneurs.»

En collaboration avec l’École d’Entrepreneurship de Beauce